Architecture tachkentoise: l’Hôtel Ouzbékistan

L’Hôtel Ouzbékistan peut constituer une grande énigme, voire même une réelle dissonance dans les yeux des visiteurs de Tachkent. Faisant actuellement face à la place centrale, Amir Temur, cet hôtel peut sembler assez incongru aux côtés du majestueux Palais des congrès internationaux, tout de blanc et d’or vêtu, et du splendide et flamboyant Musée timouride. Cependant, comme beaucoup de choses en Asie centrale, il faut apprendre à apprivoiser ce bâtiment. Il faut s’intéresser à son histoire pour démasquer les différents niveaux de sa beauté.

L’Hôtel Ouzbékistan constitue un important jalon du développement urbain de Tachkent. Construit en 1974, il marque la fin du grand mouvement de reconstruction qui fut amorcé dans la ville à l’issue du terrible tremblement de terre de 1966 qui détruisit 80% des bâtiments de la ville. Plus encore, cet hôtel servi d’inspiration à la construction de l’Hôtel COSMOS, du même style, érigé à Moscou six ans plus tard, à l’occasion des Jeux olympiques organisés cette année-là.

Hôtel COSMOS, Moscou

Le style architectural de l’Hôtel Ouzbékistan appartient au mouvement appelé modernisme soviétique. Qualifié de brutalisme soviétique par l’architecte suisse, Le Corbusier, ce mouvement architectural émergea après la Seconde Guerre mondiale. Il s’agissait de traduire les aspirations soviétiques pour un nouvel ordre social à travers l’architecture. En effet, cette idéologie cherchait dans le futur une source d’espoir et d’innovations au service de la construction d’un monde plus égalitaire et consacrant une meilleure qualité de vie.

Cette qualité de vie, elle devait d’abord passer par l’usage de matériaux innovants, tels que celui qui poussa Le Corbusier à parler de “brutalisme”, le béton armé. Ce matériau apprécié pour ses qualités pratiques et l’aspect futuriste de son rendu est donc très présent dans l’espace urbain de l’ex-URSS, ainsi que dans la confection de cet hôtel.

Le style de l’hôtel s’inspire aussi du travail de plusieurs architectes internationaux, tels que le brésilien, Oscar Niemeyer, le franco-suisse, Le Corbusier et l’américano-allemand, Ludwig van der Rohe. Tous ces artistes ont effectivement tenté, à leur manière, de repenser la structure des villes pour les rendre plus égalitaires et améliorer la qualité de vie des citadins.

La cathédrale métropolitaine Notre-Dame de l’Apparition construite à Brasilia par Oscar Niemeyer (c) Arquitectura Viva

L’Hôtel Ouzbékistan est donc porteur d’un triple héritage, dont l’idéologie soviétique constitue le premier élément. Ensuite vient l’identité régionale. L’imposant bâtiment agence de manière ingénieuse l’aspect hautement pratique de l’hôtel à l’usage d’artifices architecturaux régionaux centenaires. Ainsi, les fenêtres des 278 chambres de l’hôtel sont protégées du soleil et décorées par des treillis de bétons façonnés à la mode des maisons traditionnelles locales et largement inspirées des bâtiments historiques de Samarcande.

Les treillis protégeant les fenêtres de l’hôtel du soleil centrasiatique

Enfin, le bâtiment massif rend aussi hommage à la conquête soviétique de l’espace, à travers son style puisant dans le lexique de la science fiction et du cosmos. En effet, l’astronaute russe, Youri Gargarine, entama son voyage de 101 minutes dans l’espace en 1961, à partir d’une base située dans l’actuel Kazakhstan.

Chargé de tous ces symboles, l’Hôtel Ouzbékistan s’est donc rapidement érigé comme l’endroit parfait pour accueillir et loger les célébrités de passage dans la capitale de l’Asie centrale soviétique. Tout particulièrement, celles attirées dans la région par le Festival du cinéma africain, asiatique et latino-américain, organisé dans la ville à partir des années 1980. Synonyme de libération culturelle, la décennie précédente constitua effectivement une aubaine pour Tachkent, qui se développa en centre artistique et culturel particulièrement dynamique de l’Asie centrale, avec galeries d’art, expositions et, plus tard, ce festival bisannuel.

Les multiples chambres de l’Hôtel

Par conséquent, l’hôtel accueillit notamment Federicco Fellini, réalisateur et scénariste italien, notamment connu pour son film de 1960, La Dolce VitaRaj Kapoor, célèbre acteur de comédies romantiques indiennes, séjourna aussi dans l’imposant hôtel.

Carte touristique du centre de Tachkent (1978): au centre, la Place de la Révolution avec à droite (repère C) l’Hôtel Ouzbékistan

De nos jours, l’avenir de l’Hôtel Ouzbékistan reste incertain. Mis en vente à la fin des années 2010 par l’État, le bâtiment ne semble pas avoir trouvé d’acquéreur, du fait des énormes travaux de rénovation nécessaires pour la mise aux normes de l’hôtel. Néanmoins, l’Hôtel Ouzbékistan reste un symbole important de l’architecture tachkentoise, longtemps après l’indépendance du pays.

Quel avenir pour l’Hôtel Ouzbékistan?

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