Lectures d’été: 6 livres à lire sur l’Ouzbékistan

J’ai fini de lire Gagner la guerre de Jean-Philippe Jaworski il y a deux ans déjà et je suis toujours en deuil de ce livre absolument envoutant (pour moi). Alors je propose un échange: je partage ici mes meilleures lectures sur l’Ouzbékistan et tous ceux qui ont des idées pour me sortir de ma torpeur littéraire les partagent en commentaire de ce billet de blog!

Cette liste d’inspiration pour l’été n’est pas organisée par ordre de préférence, mais bien chronologiquement (en ce qui concerne le sujet de ces oeuvres), bien que je vous avoue avoir un gros faible pour le premier livre de cet article…


Lost Enlightenment: Central Asia’s Golden Age from the Arab Conquest to Tamerlane, S. Frederick Starr

Le livre Lost Enlightenment, écrit par S. Frederick Starr, est une mine d’information absolument fascinante sur l’histoire de l’Asie centrale au Moyen-Âge. Historien de formation, l’auteur américain, Frederick Starr, est actuellement le président fondateur du programme d’étude sur la route de la soie du Centre de recherche sur L’Asie centrale et le Caucase.

Lost Enlightenment, S. Frederick Starr, 2015

Dans son oeuvre, Starr remet en perspective les grands événements de l’histoire médiévales, narrés du point de vue de l’Asie centrale, centre du monde de l’époque-là selon l’auteur. Lost Enlightenment est une synthèse absolument inestimable de l’histoire politique, économique et culturelle de l’Asie centrale au Moyen-Âge. Par exemple, saviez-vous que la Maison de la sagesse, bibliothèque fondée à Bagdad sous l’Empire abbasside et à l’origine d’un grand mouvement de traduction de textes perses, indiens et grecs, doit sa fondation à l’incroyable collection littéraire du riche clan Barmak, originaire de Balkh, actuel Afghanistan? Ou encore que le rouge dense que l’on retrouve sur les célèbres tapis de Boukhara symbolise le feu, rappelant fortement le culte zoroastrien de la flamme éternelle?

Si le style plutôt érudit et académique de l’oeuvre de S. Frederick Starr vous semble un peu lourd pour l’été, je vous recommande de le lire en plusieurs fois. En effet, même si l’Asie centrale vous intéresse peu, ce livre reste un véritable puits de connaissances sur l’histoire du monde, présentées d’une manière novatrice et captivante.

Ulugh Beg, l’astronome de Samarcande, Jean-Pierre Luminet

Si vous préparez un voyage à Samarcande, Ulugh Beg, l’astronome de Samarcande de Jean-Pierre Luminet, est un indispensable dans vos valises! Jean-Pierre Luminet, astrophysicien diplômé de l’École polytechnique, est aussi l’auteur de nombreux ouvrages sur l’univers. Dans ce roman historique, le scientifique narre de façon légère et accessible l’histoire de Mīrzā Muhammad Tāraghay Ulugh Beg (1394-1449), gouverneur de Samarcande, plus préoccupé par la science que par ses responsabilités de sultan. À travers la biographie du mathématicien et astronome timouride, vous découvrirez le rôle de ce souverain hors de l’ordinaire dans la renaissance culturelle et scientifique de Samarcande, ainsi que sa contribution inestimable dans les champs des mathématiques et de l’astronomie.

Ulugh Beg l’astronome de Samarcande, Jean-Pierre Luminet, 2015

J’ai moins apprécié l’appropriation par l’auteur de l’histoire de la mort d’Ulugh Beg à des fins de propagande laïque, cependant, la vaste majorité de l’ouvrage reste une narration captivante sur l’ébullition érudite de l’époque à Samarcande et la construction du célèbre observatoire d’Ulugh Beg, aujourd’hui presque disparu.

À l’ombre d’un grand savant, Samarcande 2019

Samarcande, Amin Maalouf

Vous allez me dire, encore Samarcande? Eh oui, bien que le titre de ce livre soit quelque trompeur, je ne peux m’empêcher d’ajouter Samarcande, d’Amin Maalouf, à cette liste. Bien sûr, on ne présente plus Amin Maalouf, ce romancier d’origine libanaise, élu au fauteuil No. 29 de l’Académie française en 2011.

Samarcande, Amin Maalouf, 1989

Comme je l’ai dit plus haut, loin de se concentrer uniquement sur la fabuleuse cité de Samarcande, l’auteur franco-libanais se focalise plutôt sur la redécouverte d’un manuscrit égaré au XIe siècle. La quête de cet ouvrage nous transporte sur la route de la soie, plus particulièrement sur le chemin de son auteur, Omar Khayyam, poète, savant et bon vivant originaire de Nichapur, actuel Iran:

Bois du vin, puisque tu ignores d’où tu es venu

Vis joyeux, puisque tu ignores où tu vas.

Une fois encore, ce roman est l’occasion parfaite de s’immerger fictivement dans le bouillon érudit et culturel que fut Samarcande au Moyen-Âge. En outre, la narration de la vie tranquille et arrosée de vin du poète perse dans son jardin de Samarcande se mariera parfaitement avec un été rempli de farniente!

O’tgan kunlar, Abdulla Qodiriy

Et pourquoi ne pas essayer un auteur natif cet été? L’ouvrage Les jours passés (O’tgan kunlar), écrit par Abdulla Qodiriy (1922), est le premier long roman ouzbek jamais publié. Il a récemment bénéficié d’une deuxième traduction en anglais par Mark Reese, directeur du Centre d’études régionales de l’Académie navale des États-Unis, qui a relaté son expérience lors d’une entrevue très intéressante sur le blog Voices on Central Asia, en 2017.

Statue d’Abdulla Qodiriy dans l’Allée des écrivains de Tachkent

Abdulla Qodiriy est un poète, écrivain et traducteur ouzbek, né en 1894 dans le Turkestan russe. C’est l’un des écrivains ouzbeks les plus influents du XXe siècle. Et son oeuvre, Les jours passés, est tout particulièrement intéressante, car il s’agit en fait d’une expérimentation. Tout au long de l’oeuvre, qui se situe à cheval entre la colonisation russe et l’Union soviétique, l’auteur s’amuse à tenter différents styles, différentes façons de s’adresser au lecteur pour raconter l’histoire d’Otabek, un jeune marchand réformateur originaire du royaume de Kokand. Au-delà des jeux littéraires de l’auteur, l’on peut apercevoir à travers l’histoire de la famille d’Otabek, les changements discrets opérant dans la société ouzbèke de cette époque particulièrement mouvementée.

Bygone Days, Abdulla Qodiriy, nouvelle traduction de 2019

Et s’il vous arrive de passer par Tachkent après lecture de l’oeuvre de Qodiriy, n’oubliez pas d’aller voir le magnifique opéra tragique inspiré de ce roman à l’Opéra Alisher Navoiy: superbe décor, orchestre incroyable et acteurs émouvants!

Tashkent, Forging a Soviet City 1930-1966, Paul Stronski

Tachkent est un véritable mélange de maisons traditionnelles ouzbèkes, architecture saugrenue soviétique et constructions plus modernes, parfois décorées à la mode locale, parfois rappelant n’importe quelle métropole globale.

Quoi qu’il en soit, c’est souvent l’architecture et la planification urbaine soviétiques qui dominent. Il est malheureusement difficile pour les non-russophones de trouver de l’information de qualité sur ces bâtiments particulièrement intriguants.

Imaginez-donc ma joie quand j’ai enfin mis la main sur ce petit bijou que constitue Tashkent, Forging a Soviet City 1930-1966! Dans ce fascinant ouvrage, Paul Stronski nous résume de manière claire et bien renseignée l’histoire du développement urbain de Tachkent, de 1930 jusqu’au tremblement de terre de magnitude 5.1 qui défigura presque la moitié de la ville en 1966. 

Tashkent Forging A Soviet City 1930-1966, Paul Stronski, 2010

Ce livre est absolument admirable, car il regorge non seulement d’informations précieuses sur l’histoire des bâtiments atypiques de Tachkent, mais il nous emmène aussi au plus près des organes de décisions de la République socialiste soviétique ouzbèke responsables de la planification urbaine. Absolument captivant. 

Un grand merci à Paul Stronski, expert sur les relations entre la Russie, l’Asie centrale et le Caucase, d’avoir rendu accessible toute cette information au monde anglophone!

A Carpet Ride to Khiva, Chrisopher Aslan Alexander

Cette liste de lectures d’été ne serait pas complète sans un récit de voyage. Je vous propose donc ici de vous embarquer dans l’incroyable épopée de Christopher Aslan Alexander, publiée sous le nom A Carpet Ride to Khiva. À l’origine, embauché par Mercy Corps pour rédiger un guide touristique sur l’Ouzbékistan, l’auteur finira par ouvrir un atelier de tissage de tapis à Khiva, ville-musée et ancienne capitale du royaume de Khorezm, avec plusieurs locaux.

A carpet ride to Khiva, Christopher Aslan Alexander, 2010

Dans ce roman, Christopher Aslan Alexander nous partage son expérience de l’hospitalité khoresmienne et son parcours jonché d’obstacles pour obtenir des pigments de qualité pour ces tapis, qui le mènera jusqu’en Afghanistan.

L’atelier de tapis que l’auteur a aidé à fondé, Khiva 2021

Ce récit de voyage est intéressant non seulement pour en apprendre plus sur les arts et l’artisanat ouzbek, mais aussi d’un point de vue sociologique. En effet, l’auteur nous relate aussi sa vie et ses multiples rencontres à Khiva, même si je trouve qu’il adopte un peu trop souvent une rhétorique de “sauveur blanc”, sûrement due au fait qu’il soit originaire du domaine de l’humanitaire, notamment du Mercy Corps.

Atelier de tapis de Khiva

Bonne lecture!

Laisser un commentaire

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer